Toutes les sorties sont occupées
on doit prendre place en silence dans la file
s’aligner avec son sac et ses sosies inutiles
attendre son tour en traînant
dans le magasin brillant
le sol luit, à peine quelques traces
le soleil s’efface sans problème
il est descendu entre deux tours
une dernière lumière sur les blocs et les carrefours
les drapeaux siglés claquent au vent
à la proue du navire sombre
la baie vitrée s’illumine
le ciel est rouge entre les éclats de verre
le sol s’éclaire entre les lueurs électriques
silence total
juste le bip du lecteur optique
et le bonsoir des clients mutiques
suite convenue de mondanités robotiques
la file avance, me pousse vers la caisse
une colonne oblique entoure l’employée d’un halo
il faut payer la marchandise et son emballage
un à un, les objets se comptent par leur numéro
l’addition avance toute seule au péage
déjà morts, ils se glissent dans leur sac plastique
le rouge se reflète dans mes yeux fous
un billet contre des pièces
un sourire forcé contre un salaire à deux sous
quelques objets contre une vie en pièces
un ticket contre un voyage sans retour
direction la sortie en urgence absolue
dehors le soleil a disparu
encore quelques piles de bidons de pétrole inodore
et un vendeur de mobiles immobile
le sourire figé entre ses lèvres fixes sans atours
il m’appelle, mais je ne suis pas dans un bon jour
plus d’achats supplémentaires
les caméras m’indiquent le sas
les portes coulissent sans un bruit
dehors il fait nuit et le froid mord mon visage
les derniers clients courent vers les voitures alignées
les vitrines sont les ultimes lumières du parking
les ombres molles se glissent dans les automobiles
les machines roulent et disparaissent vers la ville
un vertige inconnu me saisit
le froid a glacé ma main engourdie
je lâche mon sac si rebondi
et je me retourne vers ailleurs
vision non solvable dans l’oubli ou l’oseille
je marche sans un bruit en direction du soleil
je parviendrai à le rattraper, il ne doit pas être loin
mes yeux s’habituent à la nuit
je vois déjà les étoiles dans mon coeur
elles percent le ciel de plomb.