Fantastique, la neige est tombée pendant deux jours sans s’arrêter et nous sommes en vacance. On en est à cinquante centimètres d’épaisseur, je l’ai mesurée au milieu de la cour avec le mètre à ruban de ma tante. Avec ce temps, elle ne peut plus sortir avec son fauteuil, elle nous observe par la fenêtre en train de jouer.
On se croirait en Sibérie ou en Islande, le chasse-neige a dressé d’énormes murailles blanches de chaque côté du chemin et il faut déblayer des tranchées à la pelle pour pouvoir circuler entre les maisons.
Etant féru de constructions, j’ai lancé l’idée d’un igloo, mon cousin et la voisine ont suivi avec joie. On s’est servi d’une montagne laissée par le chasse-neige, elle nous a bien aidés, mais il nous a fallu quand même tout un après-midi pour tasser et creuser un igloo pouvant nous contenir tous les trois. Le dos collé de sueur, on a creusé comme des chiens pour former une grotte à peu près ronde. On en a presque oublié le goûter, c’est dire. A présent, nous nous serrons, accroupis dans notre antre. Nous n’entendons plus les bruits du monde et une lumière bleutée émane des parois. Sous la glace, nous avons chaud, nos joues rouges nous brûlent, c’est délicieux.
Mais il a bien fallu sortir pour aller manger la soupe au bout du troisième appel.
Le lendemain, on se jette dehors, l’igloo est gelé et le soleil fait briller les arbres encore chargés de poudre. Au lieu du façonnage d’un deuxième igloo, nous nous lançons dans l’édification de fortifications pour protéger et délimiter notre territoire. Des bâtons pointus plantés dans les murs sauront nous protéger contre les invasions barbares. La journée passe comme un charme, nous sommes trempés et épuisés.
Les jours suivants, le redoux s’est installé, le soleil a brillé insolemment et la neige a fondu. Elle laisse réapparaître les merdes de la volaille et du chien qui sont disséminées dans la cour.
Mon cousin est reparti et nous avons repris le chemin de l’école.
Chaque week-end, j’essaye de sauvegarder notre igloo des outrages du dégel. Il est resté la dernière trace de neige du hameau, puis il a fini par disparaître dans une flaque, et les bâtons flottaient à la surface.