Ce recueil de nouvelles est un ensemble de 27 textes courts basés sur des souvenirs d’enfance à la ferme.
1. La ferme
La ferme se compose de deux bâtiments éloignés d’une dizaine de mètres l’un de l’autre. Le premier sert d’habitation aux humains et aux animaux de compagnie, le second loge les animaux d’élevage. Pour les distinguer, j’ai toujours nommé le premier la maison, et le second l’étable, tout simplement. Entre les deux se trouve la cour, faite de graviers, d’herbes atrophiées et de diverses déjections.
La maison est une bâtisse grise munie de volets marrons, une terrasse en béton l’entoure avec quelques pots de fleurs. Elle est habitée par ma grand-mère et deux de ses enfants, un garçon et une fille, tous les deux handicapés myopathes qui sont donc mon oncle et ma tante. Ma grand-mère se porte bien, et heureusement pour elle car son mari est mort il y a belle lurette pour des raisons mystérieuses, elle a dû longtemps se débrouiller seule. Sinon, on trouve aussi deux chats, un mâle castré et une femelle opérée pour éviter des reproductions intempestives, et une chienne d’un certain âge, je ne compte pas les chats plus ou moins sauvages qui rôdent à l’étable et à la cave. Chacun a sa chambre et les animaux dorment un peu partout.
L’étable est plus grande et plus ancienne, dans le temps elle était en partie habitée par des humains. Elle est faite de bric et de broc : pierres, moellons, briques, béton, bois... Elle se compose d’un abri pour un vieux tracteur et la remorque à foin, de deux écuries, une pour les moutons et l’autre pour les vaches laitières, d’un grenier à grain, d’un poulailler contenant diverses espèces de poules, canards, oies et dindes, et d’un recoin avec des clapiers pour les lapins, le tout recouvert à l’étage par un grand fenil, là où s’entasse le fourrage pour l’hiver. Par le passé, des pigeons étaient logés sous les toits. Les moutons et les volailles comptent des représentants des deux sexes, les lapins sont réunis juste pour l’accouplement et les vaches bénéficient de l’insémination artificielle pour une descendance moderne. Parmi les habitants de la ferme, il faut aussi compter des souris en nombre inconnu, des milliers de mouches en été et des multitudes d’araignées dont les toiles grises chargées de poussière pendent partout aux plafonds des écuries. Ces espèces sauvages se multiplient comme elles l’entendent, ce qui explique leur pullulement.
Derrière l’étable sont placés la fosse à purin qui récolte les excréments et l’urine des vaches ainsi que le tas de fumiers où s’entasse la litière souillée des moutons et les divers cadavres qu’on ne prend pas la peine d’enterrer. Les chiures issues du poulailler, quant à elles, sont périodiquement évacuées dans le jardin situé en contrebas de la maison pour nourrir les arbustes fruitiers, cassis et framboises apprécient.
Quelques arbres entourent le tout, dont un vieux tilleul, ce qui n’est pas désagréable en été. Au bord de la route, il y a aussi un bassin alimenté par une source où viennent s’ébattre les canards ...et les enfants.
Moi je n’habite pas en permanence à la ferme, je viens le week-end et pendant la plupart de mes vacances scolaires. Je ne m’ennuie jamais, j’ai toujours beaucoup à faire, la ferme compte tant de recoins et de terrains de découverte.