Il s’appelle Michael et a 39 ans depuis tout juste un mois. Il est grand et mince, presque maigre sous ses T-shirt élimés, son regard est précis et direct, sauf quand parfois il se perd dans le vague en prenant un air sombre.
Il se passionne depuis longtemps pour l’observation des insectes, et cette année, il a eu un diplôme universitaire de sociobiologie à force de volonté et de travail acharné, lui qui avait quitté l’école dès l’adolescence. Par ailleurs, il se passionne pour la conception de sites web et il s’est mis au dessin depuis quelques années. On peut déceler déjà du talent dans ses compositions retouchées sur ordinateur, et une réelle originalité semble percer des formes torturées en noir et blanc baignées de lavis gris et sang qui veulent bondir hors de l’écran.
Fait assez peu banal, il s’est marié à 35 ans avec une fille qui lui a rendu visite un jour un peu par hasard, et on peut dire qu’ils s’entendent très bien même s’ils ne peuvent se voir très souvent. Ils ne veulent pas d’enfants, de toute façon c’est interdit dans leur situation.
Autre originalité, Michael entretient depuis deux ans une relation d’amour platonique et épistolaire avec un jeune homosexuel banni par sa famille qui avait souhaité entrer en correspondance avec lui. On ne sait pas lequel des deux a le plus remonté le moral de l’autre. Ils ont préféré ne jamais se rencontrer de visu, c’est à peine s’ils ont échangé quelques photos.
Michael vit dans l’urgence à présent. Il ne cesse d’écrire fiévreusement à ses deux amours, et aussi à quelques amis. Jour et nuit il dessine comme un damné, ses œuvres explosent littéralement de beauté éclatante et de violence sourde. Il a aussi écrit quelques notes personnelles, des réflexions sur la vie pleines d’esprit et d’humour noir.
Pourtant, dans trois jours, à sept heures du matin, des gens le regarderont derrière une vitre et on lui fera une petite injection pour l’endormir, et puis, attaché sur la chaise, il ne se réveillera plus jamais. Tout ça à cause d’un meurtre stupide commis il y a vingt ans, quand il n’était qu’un jeune imbécile sans cervelle, un pur produit parmi tant d’autres d’une prétendue société sans âme ni morale qui se permet maintenant de l’assassiner froidement.