Voici le texte poétique imaginant les pensées d’une baleine, ses méditations sur l’action humaine sur les océans et leurs habitants.
Au fin fond du bleu de la nuitUn oeil toujours en veilleEntre les rayons de lumièreJe fixe ce monde en suspensionEntre deux universJ’écoute le moindre sonLa moindre goutteJe sens les liens de métalQui s’agrippent à nos pierresJe vois les objets venus d’ailleursQui coulent et s’éparpillentEn milliers de couleursQuand des prisons de verreEmportent nos frèresImpuissants et nusLà-hautVers ce ciel inconnuJ’ajoute mes larmesAu grand bain saléLà-haut, dans la sécheresse de l’airJ’entends les agonies silencieusesJe devine des rituels étrangesDes appétits barbaresOù l’être est vidé,Découpé, décapité,Pour devenir objet inaniméDepuis mes fonds abyssauxJe sens les machines sourdes,Enormes et fragilesLourdes de menaces nouvellesJe souffle, je souffle en vainLes vagues arrivent en trainElles rayent d’un traitFissurent les muraillesEparpillent leurs entraillesEt l’enfer brûle aussi en sous-marin
Pourtant,Pourtant tout continue de plus belleLe béton gagne sur l’eauLes fumées noient le soleilLes foules se massent à nos rivagesIrradiées gavées de miragesDrogués des pieds à la têteTous les morts font la fêteLentement,Des citadelles d’acier nagent sur nos têtesLentementTelles des bombes à retardementEntre deux déluges,La brume est mon refugeDans ses plis je disparaisLe monde renaît en douces ondesQuand ciel et mer se confondent
Des ombres déforment notre horizonVoilà qu’ils s’installent au cœur de nos viesAvec leurs usines flottantesIls percent profondément la nuitPour s’injecter leur drogue à explosionA trop vouloir conquérir la luneLes fantômes sont sourds à nos crisIls travaillent à leur oubliMais le feu leur remonte à la gorgeBrûle leurs palais voracesPlombe le ciel et l’espaceLes cendres volent et coulentEtouffent dans leur froid linceulLes plus fines cellules de vieNos fonds deviennent mortes dunesEt les lagons fosses communesPartout,Partout il faut fuir,Il faut fuir les boues gluantesLes poisons et les cagesSe méfier même des maréesOù refluent tous leurs égoutsPerdus dans leur élémentNos cadavres s’échouent en masseBrûlés par le soleil couchantLa mer sombreEt les abysses se glacentLes flots hurlent de colèreLe vent gémit et se tordLe sel s’accroche et rongePourtant la créature tient toujours la barreFermement dans la mauvaise directionTout droit vers le bord du mondeDes yeux trop souvent se fermentEt la horde s’allègePour voguer plus loinPeut-être flotter avec les étoiles ?Ou renaître en d’autres eaux ?Lentement,La petite planète bleue s’obscurcit,A force de fermer les yeuxLentement,Elle risque de s’éteindre,Et de retourner à la nuitJe plonge alors à nouveauLoin des mécaniques et des vapeurs d’essenceAu fond du vaste océanIl reste encore de l’espacePour la naissance d’autres courants