Mon exécution publique est prévue à 18 h 30.
A peine le temps d’enfiler mon whisky et de finir d’expliquer à un invité la symbolique de ma démarche, que les serviteurs de la mort surgissent dans la salle d’exposition et se fraient un chemin
à travers le public...
Enveloppés dans un drap blanc noué à la taille, les comédiens, au nombre de quatre, portent tous un masque. Ils se ruent sur moi, me traînent vers une estrade, me ligotent à mon chevalet et me bandent les yeux. La mort, les bras croisés, observe silencieusement la scène et ouvre un parchemin pour lire la sentence :
– Moi, la camarde, au nom du tribunal des enfers, condamne BANNIART pour avoir crevé la toile, mis à plat les sujets, usé du Kalam du diable, représenté l’imprésentable, empâté la création, exorbité l’œil du cyclone, tranché, démantelé, abstractisé la réalité... Qu’as-tu à dire pour ta défense ? Parle !
– Mon expression puise sa force dans la tourmente d’un drame existentiel. En fait, je suis venu au monde avec une bombe à retardement dans les tripes. Impossible de la désamorcer...
Après la terrible déflagration dont je souffre encore à ce jour les conséquences, j’ai été banni par ma tribu adoptive avant d’atterrir sur la terre de mes ancêtres comme un météorite déchu de sa planète... Tortueux parcours tracé par les forces agissantes de mon destin qui m’entraîne dans un univers où des vérités intérieures se dévoilent à la lumière d’une volonté obsessionnelle de transmutation...
– Serais-tu devenu un mutant ? Intervient la mort. Ses serviteurs éclatent de rire. Le public reste silencieux. Je poursuis d’un ton solennel :
– En quelque sorte, oui. Par ma pénitence, mon travail de recherche, mes remises en cause, mon évolution... Par ma sensibilité, ma lutte, ma quête de vérité, mes doutes, ma folie, ma sagesse, mes provocations, mes besoins de défis... Par tout ce que je suis et par mon accès dans l’univers de la peinture, en ce sens, oui, je suis un mutant, voire un transmutant...
Le public applaudit longuement et la mort sans se laisser décontenancer ajoute :
– Tu veux mourir au plastic ? Au pinceau ? Au couteau ? A l’acrylique ? Et d’éclater de rire avant de sommer ses serviteurs de m’emmener.
Le convoi funèbre revient quelques minutes plus tard, en pas rythmés sur un morceau de musique de Boozoo Bajou, tenant un brancard où je suis allongé, inerte, symboliquement mort, recouvert d’un linceul blanc. Il me pose au milieu du public. La mort et ses serviteurs se mettent à danser autour de moi, invitant le public à en faire autant. Puis ils me hissent sur l’estrade et la mort déclame avec gravité :
Au nom la mort et de son mystère niché au fond de la vie, au nom du lien qui les unit et au nom de la beauté secrète que recèle ton art d’investigation, je t’ordonne de renaître dans la peau nouvelle d’un homme nouveau :
Tu es l’artiste qui éclaire le monde.
Tu es le demain qui se déroule aujourd’hui.
Tu es l’humain qui active la vie.
Tu es la vie.
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1. Performance d’artiste : mourir avant de mourir, 14 juillet 2006, 16:59, par Banniart
Mon exécution publique est prévue à 18 h 30.
A peine le temps d’enfiler mon whisky et de finir d’expliquer à un invité la symbolique de ma démarche, que les serviteurs de la mort surgissent dans la salle d’exposition et se fraient un chemin
à travers le public...
Enveloppés dans un drap blanc noué à la taille, les comédiens, au nombre de quatre, portent tous un masque. Ils se ruent sur moi, me traînent vers une estrade, me ligotent à mon chevalet et me bandent les yeux. La mort, les bras croisés, observe silencieusement la scène et ouvre un parchemin pour lire la sentence :
– Moi, la camarde, au nom du tribunal des enfers, condamne BANNIART pour avoir crevé la toile, mis à plat les sujets, usé du Kalam du diable, représenté l’imprésentable, empâté la création, exorbité l’œil du cyclone, tranché, démantelé, abstractisé la réalité... Qu’as-tu à dire pour ta défense ? Parle !
– Mon expression puise sa force dans la tourmente d’un drame existentiel. En fait, je suis venu au monde avec une bombe à retardement dans les tripes. Impossible de la désamorcer...
Après la terrible déflagration dont je souffre encore à ce jour les conséquences, j’ai été banni par ma tribu adoptive avant d’atterrir sur la terre de mes ancêtres comme un météorite déchu de sa planète... Tortueux parcours tracé par les forces agissantes de mon destin qui m’entraîne dans un univers où des vérités intérieures se dévoilent à la lumière d’une volonté obsessionnelle de transmutation...
– Serais-tu devenu un mutant ? Intervient la mort. Ses serviteurs éclatent de rire. Le public reste silencieux. Je poursuis d’un ton solennel :
– En quelque sorte, oui. Par ma pénitence, mon travail de recherche, mes remises en cause, mon évolution... Par ma sensibilité, ma lutte, ma quête de vérité, mes doutes, ma folie, ma sagesse, mes provocations, mes besoins de défis... Par tout ce que je suis et par mon accès dans l’univers de la peinture, en ce sens, oui, je suis un mutant, voire un transmutant...
Le public applaudit longuement et la mort sans se laisser décontenancer ajoute :
– Tu veux mourir au plastic ? Au pinceau ? Au couteau ? A l’acrylique ? Et d’éclater de rire avant de sommer ses serviteurs de m’emmener.
Le convoi funèbre revient quelques minutes plus tard, en pas rythmés sur un morceau de musique de Boozoo Bajou, tenant un brancard où je suis allongé, inerte, symboliquement mort, recouvert d’un linceul blanc. Il me pose au milieu du public. La mort et ses serviteurs se mettent à danser autour de moi, invitant le public à en faire autant. Puis ils me hissent sur l’estrade et la mort déclame avec gravité :
Au nom la mort et de son mystère niché au fond de la vie, au nom du lien qui les unit et au nom de la beauté secrète que recèle ton art d’investigation, je t’ordonne de renaître dans la peau nouvelle d’un homme nouveau :
Tu es l’artiste qui éclaire le monde.
Tu es le demain qui se déroule aujourd’hui.
Tu es l’humain qui active la vie.
Tu es la vie.
Voir en ligne : Performance d’artiste : mourir avant de mourir