Cachés sous un drap tiède, les deux corps sommeillent dans la pénombre, l’un contre l’autre, la peau pleine encore de leurs étreintes de la veille, ils respirent le silence après l’amour charnel.
Le soleil perce les volets de la chambre close pour éclairer des bouts de papier-peint défraîchis, juste au-dessus du lit des amants endormis.
Par la fenêtre entrouverte, quelques chants d’oiseaux et d’eau courante semblent se glisser vers leurs cervelles assoupies. Leurs yeux s’éveillent alors, heureux de se retrouver ensemble, dans le même lit, à goûter le même air de printemps.
Encore engourdis, ils s’allongent côte à côte sur le vieux matelas façonné par les corps à corps.
Pendant ce temps, le soleil descend jusqu’à faire briller leurs cheveux, puis leurs visages s’éclairent entre les mèches folles. L’une d’elles se lève entre deux souffles pour ouvrir la fenêtre et les volets en grand. La lumière jaillit de l’astre qui a déjà dépassé les collines.
Les oiseaux piaillent de plus belle et l’eau fraîche de la fontaine gazouille en lavant les salades.
Elle repousse le drap souriante pour se coucher dorée au soleil qui inonde le lit de lumière.
Les mains jointes, elles sentent par la fenêtre les arbres exploser de toutes leurs feuilles. Les champs de colza jaune acide, un peu verts, brillent sur la terre et parfument un léger bruissement d’air.
La chaleur matinale leur redonne vie, leur peau moite sèche et réclame douceurs. Ils s’observent entre les rayons de leurs yeux rieurs, pleins de promesses et d’abandons.
La caresse des paumes s’ajoute à celle des pinceaux de lumière, et les voilà enlacés, les gestes emplis d’énergie solaire et de suavité printanière.
Ils vibrent de tout leurs corps comme une musique aquatique et s’offrent le matin comme au premier jour.
Au clocher, la petite aiguille de l’horloge monte avec les bruits de moteurs, il est temps de partir, de s’arracher du lit en fer baignées de jour, de rassembler les habits pour se les mettre sur le corps, pour cacher la tendre peau et la protéger des agressions de la ville.
Après quelques baisers à la fenêtre ouverte, il faut bien quitter le petit hôtel et les feuilles tendres pour retourner travailler dans d’obscurs immeubles, dans le monde du chacun pour soi, chacune de son côté, l’un dans un quelconque bureau inutile, l’autre à la caisse d’un magasin comme il y en a plein, dans des mondes parallèles qui se refusent à fusionner, où les instants d’amour et d’harmonie sont dilués dans la grande masse grise où s’agitent les cohortes d’esclaves acharnés à détruire toute trace de printemps.